Les nouveaux rôles des DRH

Quelle est la place des Ressources Humaines dans l’entreprise, notamment face à la souffrance des salariés ? Les fonctions RH sont souvent mal perçues, méconnues, favorisant ainsi les incompréhensions face au travail quotidien de ses membres. A travers une série de questions, Héloïse Blain – notre coach professionnelle – décrypte la nouvelle place des DRH.

Les rôles des DRH sont souvent méconnus : on les perçoit facilement comme des gestionnaires ou comme des surveillants. Qu’en est-il réellement ?

La Direction des Ressources Humaines a souvent une image, injuste, de gestionnaire ou de coupeur de tête parce qu’ils font partie de la Direction. Il est souvent reproché à ses membres de ne pas être neutres. Pourquoi certains collaborateurs, et même des managers, n’accordent-ils pas leur confiance dans cette Direction qui est pourtant la plus proche des Hommes, à la fois dans le projet et les enjeux?
Le rôle des DRH a été très chamboulé ces dix dernières années et, depuis deux ou trois ans, ils n’occupent plus la même place notamment dans les enjeux de transformation collective. Moins nombreux dans les entreprises, les RH sont résolument une fonction transverse. Ils peuvent servir l’entreprise en occupant cette posture clef de leader serviteur. Les engagements liés à la stratégie RH ont pour intention de promouvoir, pour objectif de défendre un projet à la fois humain, collectif, économique voire même politique. C’est pourquoi ils investissent autant dans les individus, les personnes.
La réalité et les vécus sont souvent très différents de cette vision. Les DRH, comme bon nombre de leaders ou managers intermédiaires, vont dire qu’ils sont « pieds et poings liés » voire même « entre le marteau et l’enclume ». Tant il est vrai qu’ils ont des directives à faire appliquer, des réalités opérationnelles d’effectifs, de paie, de budgets, d’obligations légales… qui ne sont pas des obstacles ni des freins mais plutôt des opportunités d’oeuvrer dans un certain sens. La vision que les RH ont de leur propre rôle définit leur comportement.
Pour chaque membre de la Direction R.H., du plus haut niveau jusqu’à la fonction opérationnelle, la question de la posture individuell de leader est un véritable enjeu.

N’y a t-il pas une contradiction entre faire appliquer des directives parfois sources de souffrance au travail et protéger les salariés ?

Les DRH sont face à des situations complexes de souffrance et santé au travail. Ils sont porteurs du projet de l'entreprise et misent sur l'humain.

Héloïse Blain se prête à l’exercice difficile de l’interview afin de nous aider à décrypter les nouveaux rôles des DRH et des leaders.

Justement ! Tous les jours, les DRH sont confrontés à des situations complexes (et complexe ne veut pas dire compliqué) qui englobent des situations humaines, des enjeux de santé au travail, de sécurité, de légalité. Ces situations sont délicates à analyser et à détricoter parce que tout y est mélangé, notamment lorsque s’exprime un enjeu de souffrance au travail. On confond la contrainte, le vécu, la plainte et les émotions qui n’ont pas de mots mais qui s’expriment tout de même.
Tout l’enjeu du DRH est de faire intervenir les bonnes personnes relais. En externe, il peut faire appel à des médiateurs, à des coachs, à des consultants sur les risques psychosociaux, l’engagement, le leadership, l’intelligence collective… Au DRH de choisir les personnes avec le bon état d’esprit « entreprise » pour dénouer ces situations humaines et repositionner chaque collaborateur à sa juste place. Leur rôle n’est donc pas juste de « faire appliquer », terminologie qui renoue avec le côté hiérarchique. Ces anciens liens tendent à s’effacer pour laisser la place à des liens plus humains. Le rôle du DRH est alors plus important que jamais.
Face aux enjeux de souffrance au travail ou de santé mentale, et d’une façon générale aux enjeux opérationnels de production de travail, le DRH, comme le leader, est La personne clé pour poser le cadre de l’exigence tout en restant lié à la bienveillance. C’est donc un cadre ferme et douce à la fois,  juste et non pas autoritaire. En cela la capacité à renouer avec son propre sentiment de tranquilité est clef. Ainsi, la ressource RH peut apprendre à être protectrice, douce, explicite, ferme sans créer ni aggraver des situations de tensions ou de souffrance déjà existantes.

Les membres des RH sont parfois confrontés à des situations complexes sur la souffrance ou la santé au travail. Avez-vous des conseils pour leur éviter d’être eux même en souffrance ?

On utilise le mot de « souffrance » parfois à tort et à travers. Dans celui-ci, il y a toujours une identification à sa propre souffrance. C’est toute la différence entre la douleur et la souffrance.

L’enjeu n’est pas de nier la souffrance : elle s’exprimera malgré soi à travers des blessures, des tensions internes, des obstacles qui se répètent. L’enjeu n’est pas non plus de sur-valoriser la souffrance individuelle et/ou collective.
Pour les DRH et tous les autres leaders, l’enjeu est plutôt d’assumer sa place et de permettre à chacun d’en faire autant. Aujourd’hui, la place du DRH n’est plus un rôle défini, hiérarchisé et bordé. C’est avant tout une place humaine qui demande de prendre de la hauteur et du recul, de relativiser à la fois sur le plan rationnel et émotionnel, de prendre de la distance pour être complètement présent. Arriver à faire cela est un véritable challenge ! Dans quelle mesure chaque DRH aura à la fois l’humilité et l’intelligence de réfléchir à son cadre d’intervention, de valeur et réviser sa posture ? Mes clients me disent que le regard externe est une aide pour regarder toutes les oppositions en soi.
Bref, chers R.H., rebellez-vous et assumez votre véritable place !

Propos recueillis par Coline Luirard

2017-12-05T22:02:46+00:00 décembre 5th, 2017|0 Comments

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