En vogue depuis plusieurs années, l’idée d’inclusion dans la gestion d’équipe et la stratégie d’entreprise fait de plus en plus parler d’elle. Pourquoi ? Comment est-elle mise en place dans les entreprises? Ancienne DRH, coach et experte en prévention des risques professionnels, Héloïse Blain se penche sur la question du management inclusif et prend l’exemple du handicap pour illustrer cette interview menée par Coline Luirard.
Comment définiriez-vous le management inclusif ?
» Le management inclusif est le propre d’un manager qui se met au niveau de ses interlocuteurs pour en tirer le meilleur. C’est une personne qui est dans le « nous » inclusif et non pas dans le « je » exclusif ou dans le « nous » qui peut exclure l’autre partie des équipes. Au départ, c’est un anglicisme qui se développe beaucoup en France pour regrouper des comportements et des attitudes de managers, de leaders de dirigeants ou de toute autre personne qui a un rôle clé vis à vis des autres dans une organisation. En anglais, on parle même d’ « inclusiveness », que l’on pourrait traduire par l’inclusivité.
C’est une véritable compétence qui permet de dynamiser les équipes.
On est dans la dimension de l’Intelligence émotionnelle avec la volonté de développer la loyauté et l’engagement. Le manager inclusif est celui qui est le plus à même d’engager ces équipes, cette notion étant centrale dans les conceptions du XIXe siècle.
Par exemple, le manager inclusif va être flexible dans son approche pour être capable de motiver et de retenir les talents. Il est capable de se connecter avec les gens qui l’entourent en s’impliquant personnellement, tout cela dans un rapport de confiance. Il se met au même niveau, il est « avec » : il a donc la capacité à s’engager soi dans la relation à l’autre.
L’inclusion passe aussi par la capacité à promouvoir un environnement qui reconnait et valorise les différences individuelles, d’expérience, de formation, de vie, toutes singularités, le handicap… Le manager inclusif est une notion liée à la performance et aux compétences clés du manager. »
Aujourd’hui, comment le handicap est-il pris en compte par les managers et les directions ?
» Les prises de conscience liées au handicap sont d’abord venues des obligations de recrutement des personnes en situation de handicap. Le besoin d’accompagner des fins de carrière a aussi été une étape importante avec des personnes qui sont parfois en difficulté, notamment physique, c’est lié à la notion plus récente de « pénibilité du poste de travail ».
Aujourd’hui, la prise de conscience est en train de se faire. On pense que c’est aux managers et aux équipes de former un tout avec les personnes en situation de handicap. Auparavant, on voulait intégrer les personnes dans l’entreprise : le schéma de pensée n’était pas le même. Le « nous » n’exclut pas le handicap : notre performance se fonde sur des différences de talents et de handicap qui sont autant de forces et d’aménagements à l’efficience. Pour être réellement inclusif, le manager doit aussi revoir sa manière de parler du handicap, en restant toujours positif et avec une capacité à reconnaitre la place de l’autre dans l’équipe.
Les exemples sont bien là mais ils dépendent beaucoup plus des managers que des entreprises. Il y a encore de nombreux progrès à faire. Lorsque l’on trouve un bon exemple de leadership performant, on trouve toujours un manager inclusif : une condition essentielle mais non suffisante de la performance. «
Quels types d’intervention existe t-il auprès des managers et des entreprise pour améliorer l’inclusion ?
» J’interviens d’abord pour aider à une prise de conscience collective et individuelle de la question de l’inclusion. Il y a aussi des aspects de formation et donc de compétence émotionnelle et comportementale : des formations sur la posture de manager, sur le feedback et sur la communication avec les équipes permettent de transformer son attitude et ses comportements pour être plus inclusif.
De même, à travers le coaching professionnel, notamment individuel, j’interviens sur ces deux aspects. Je travaille notamment pour aider au développement de l’intelligence émotionnelle pour intégrer ces éléments au niveau personnel. On travaille sur la communication des managers pour leur permettre d’expérimenter l’inclusion et de transformer leurs comportements.
L’inclusion demande une implication, une présence à soi et des mots à utiliser de façon authentique. C’est aussi un choix éthique de management.
Un point d’équilibre entre la logique, l’éthique et l’empathie permet de faire éclore le manager inclusif.
Et concrètement, quels sont les exemples qui vous ont marqué ?
» Le manager inclusif est à mi chemin entre trois éléments :
- Le logos – la logique
- L’ethos – l’éthique
- Le pathos – l’empathie
Trois exemples m’ont montré l’importance du ratio entre ces éléments.
D’abord, dans une entreprise mutualiste, je suis intervenue auprès d’une personne en situation de handicap qui a eu un accident de vie. Dans le logos et l’ethos, le problème était bien cerné : les acteurs avaient conscience qu’il fallait traiter le problème et que cette question répondait aussi à leurs engagements mutualistes. Cependant, les deux managers en lien avec cette personnes avaient chacun un enjeu lié au pathos, trop près ou trop loin de l’empathie et de leurs émotions. Pour l’un le refus de parler de la question du handicap était le reflet du déni de l’organisation. Pour l’autre, à l’extrême inverse, le rôle apparent de sauveur le faisait rentrer dans un rôle uniquement émotionnel avec un risque fort de dérive. Les deux propositions sont néfastes voire toxiques : l’une entraine des blocages majeurs et l’autre maintient la personne en situation de handicap dans une posture de victime.
A l’opposé, j’ai accompagné un Directeur Qualité manager d’une personne en situation de handicap. et l’intégrant entièrement dans sa manière de manager. Le handicap était un sujet comme un autre, comme le talent ou la passion d’un autre collègue mais sans en faire un sujet anecdotique. Au même titre que les autres collaborateurs, le manager était capable de passer du temps, en réunion d’équipe, pour vérifier que la personne en situation de handicap avait tous les éléments en main pour réussir. Le temps passé sur la situation du handicap est le même que celui passé sur les questions des autres personnes. Il n’y a pas de pitié, de condescendance ou de sur-protectionniste. Pouvoir parler des débordements (de temps, de délais, de comportement) fait grandir toute l’équipe. Le sujet du handicap est pris en compte sans prendre la place de la personne en tant que telle. Dans ce cas, logique – éthique et empathie trouvent leur place.
Enfin, j’ai accompagné un dirigeant qui n’arrivait pas à voir là où il n’était pas inclusif. Au départ, il était plutôt dans le déni systématique de l’empathie et une surévaluation de la performance brute. Ce coaching a duré 10 mois à raison d’une séance d’une demi journée par mois. En le faisant parler un peu plus de lui, il a pris conscience de l’effet que cela produisait sur les équipes. A la fin du coaching, ses collaborateurs ont dit de lui qu’il avait vraiment changé, qu’il était plus à l’écoute et vrai. De même, il a pris conscience des bienfaits de l’inclusion pour lui : il en voyait le sens et l’impact en terme de performance. Sa vision du management a aussi évolué et il n’en parlait plus de la même manière.
Cest 3 exemples sont tous pour moi des reflets réussis d’un coaching inclusif, qui developpe la capacité d’inclusion des leaders d’aujourd’hui et de demain. Je pourrai aussi vous parler de coaching de personnes en situation de handicap, avec des séances parfois amménagées, tenant parfois compte de la culture sourde dans laquelle l’autre se trouve. En cela, apprendre la LSF, la langue des signes francaises, pendant des années m’a permis de découvrir à quel point, un handicap sensoriel pour masque d’enormes différences culturelles. »
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