Avec plus de 15 ans d’expérience professionnelle dans des services de ressources humaines de très grandes entreprises puis en tant que coach, Héloïse Blain fait partie des Intervenants en Prévention des Risques Professionnels certifiés par la Direction du Travail et l’Agence Régionale de Santé. En répondant à quelques questions, elle revient sur les points clés de la prévention des risques professionnels et psychosociaux.
Quelles sont les évolutions qui ont marqué les politiques de prévention des risques professionnels ?
L’une des évolution majeure a d’abord été légale : nous sommes passés d’une obligation de moyens à une obligation de résultat à travers une directive européenne. Mais en amont, il y avait un enjeu autour de la marque employeur. Depuis plus de dix ans, les entreprises sont dans une guerre de recrutement des talents : de recrutement et de maintien ! Comment attirer et préserver les bonnes personnes en se distinguant en tant qu’employeur ?
En 15 ans, nous avons connu ne évolution radicale sur les modes d’organisation des espaces de travail et de pauses. Il y a dix ans, les grandes entreprises avaient tendance à réduire les espaces de convivialité voire même les supprimer. Pourtant, quelques années après, le choix a été fait de les réintégrer vu impacts des leurs suppressions sur le climat social, sur les résolutions de problème au quotidien qui ne se faisaient plus et sur les risques psychosociaux qui s’agravaient. Les gens se sentaient plus isolés, en stress… sans parler des résolution de problème faites à la machine à café !
Il y a également eu de forts changement managériaux : les managers avaient d’abord pour rôle de donner des objectifs puis, ensuite, de gérer des aspects juridiques et contractuels, donc de recrutement, de formation, de développement, de gestion et d’organisation du travail… Depuis 10 ans, les managers sont plus formés à écouter, donner du feedback, à repérer des potentielles situations de crises. Ils continuent à évoluer vers le rôle plus complexe de sentinelle. L’un de mes rôles est donc d’accompagner ces managers là qui sont sur toutes les lignes de front. J’apprends aux managers à ETRE des managers polyvalents et non à AVOIR un rôle de manager.
Quelles sont les interventions types que vous réalisez en tant qu’intervenant en prévention des risques professionnels (IPRP)?
Souvent, les entreprises font appel à des IPRP parce qu’elles sont face à un enjeux important : une alerte préalable de la part d’un manager, d’instances du personnel, un signalement du service de santé au travail… J’interviens sur trois sujets principaux : la gestion d’une situation de crise, la formation ou la prévention au sein d’une situation tendue et la prévention pure avec des missions d’accompagnement et de prise de recul en amont de tensions.
En situation de crise, je vais aider les responsables et les personnes concernées à rétablir la situation suite à un conflit : par exemple, des lettres de menaces, une plainte de harcèlement… Je suis en mesure de mener une enquête, faire un audit et des recommandations. Je n’hésite pas lorsque nécessaire à faire intervenir avec moi d’autres consultants reconnus par la Direction du Travail dotés d’une solide formation.
Parfois, l’entreprise a besoin de montrer également qu’il y a une prise en main plus large de la question. Ainsi, j’interviens avant même que les tensions ne dérapent, accompagnant les services et les personnes pour rétablir une communication saine. J’accompagne les équipes à diminuer les tensions et à savoir mettre la bonne distance. Ils renforcent leurs compétences clés. C’est d’autant plus important que les conditions de travail se sont durcies avec plus d’autonomie, de solitude derrière des outils… qui demandent un suivi psychosocial plus fin.
Il y a aussi des missions de prévention avec un grand P. Elles sont liées à l’organisation et à la vie de l’entreprise. On regarde en amont la manière de vivre de l’entreprise : les temps de fixation d’objectifs, de feedback, les rituels, les processus d’évaluation, de reconnaissance, de sanction de la non-performance… Dans ces temps de réflexion plus en amont, j’accompagne les équipes de direction et de ressources humaines à prendre du recul et à faire leur propre audit. J’allie alors les casquettes d’IPRP et de coach professionnel en impliquant tous les acteurs.
Quelles sont les entreprises qui font appel à vous ?
Toutes les entreprises peuvent faire appel à un IPRP à toutes les étapes du processus : en prévention ou en gestion de crise. J’interviens auprès de multi-nationales comme auprès des ETI – entreprises de taille intermédiaire ou des TPE. Elles ont souvent les mêmes process d’ailleurs. Toutes ont le point commun d’avoir la volonté d’investiguer ou d’investir : soit face à une situation de crise soit dans une logique de prévention. Elles sont conscientes des enjeux pour elles et de leurs objectifs internes.
Avec les petites entreprises, l’accompagnement est souvent centré sur l’équipe de direction ou sur une seule personne en difficulté. Dans ces organisations, j’interviens souvent en tant que coach et en tant qu’intervenant en risques professionnels. J’ai des objectifs d’accompagnement qui révèlent de fortes caractéristiques psychosociales. Par exemple, le passage à l’échelon « sénior » d’un collaborateur peut avoir des enjeux de gestion du stress et de la pression. En tant que coach professionnelle, je sécurise la prise de poste, et tant qu’IPRP tous les enjeux de bien-être au travail et de protection de soi.
Les grandes entreprises ont l’obligation d’avoir une politique de gestion des risques psychosociaux. Depuis quelques années, elles doivent donc renouveler les intervenant qui les accompagnent. Il y a donc une professionnalisation des métiers d’accompagnant en risques professionnels.
Ce sont donc les entreprises qui ont la main sur la gestion des risques professionnels …
Exactement. Quelque soit l’intervention, c’est toujours l’entreprise et les personnes qui ont le dernier mot. Par exemple, je suis intervenue en tant que médiateur dans un organisme où il y avait très peu de mobilité. Les tensions relationnelles étaient profondément ancrées et historiques. Elles se sont transformées en cas de harcèlement dans deux services différents. Ces deux cas étaient isolés et différents mais les managers ne savaient plus se positionner correctement. Mon rôle étaient de permettre à chaque personne de visualiser ce qui lui appartient et ce qui reste de l’organisation de service ou de management. Dans l’un des services, le dialogue a permis de trouver une issue authentique et propose à la situation. Dans l’autre service, l’intervention était similaire mais la hiérarchie a craint de se positionner et de montrer une attitude d’écoute. Ils avaient peur d’une généralisation des situations de crise dans d’autres secteur. En conséquence et malgré mes recommandations, ils ont choisis de ne pas aller plus loin. Avec une mobilité interne, les tensions immédiates ont été calmées mais, lorsque les situations ne sont pas clairement résolues, il y a 30% de chance pour que cela se reproduise. C’est la limite de mon intervention en tant qu’intervenant en prévention des risques professionnels : je ne peux pas amener les entreprises plus loin qu’elles ne le voudraient.
Quelque soit le niveau auquel je suis sollicité, rien ne se fait sans la direction. C’est bien à elle de prendre en main les question de risques professionnels et de risques psychosociaux. Pour cela, les dirigeants s’appuie sur moi et ma double voire triple casquette.
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